Droits de la personne
Ligne directrice 17

(Available in English)

Les Lignes directrices d'interprétation visent à aider les parties à comprendre l'interprétation de la loi que fait habituellement la Commission, à guider la conduite des membres et à favoriser la cohérence des décisions. Les membres ne sont toutefois pas tenus de suivre ces lignes directrices et peuvent prendre les décisions qu'ils jugent appropriées en se fondant sur les faits présentés.

Introduction

Le Code des droits de la personne1 de l'Ontario (le « Code ») constitue la principale source utilisée devant des tribunaux comme la Commission de la location immobilière (la Commission) en matière de droits de la personne. En raison de son paragraphe 47(1), le Code s'applique à la Commission en tant que fournisseur de services et d'installations. Ce qui signifie qu'en vertu de l'article premier du Code, toute personne a droit à un traitement égal et sans discrimination, en ce qui touche les services ou installations de la Commission. Bien que les services et installations de la Commission soient conçus de façon à être accessibles, la Commission devra prendre des mesures supplémentaires pour en faciliter l'accès à certaines personnes.

La Commission doit interpréter la Loi de 2006 sur la location à usage d'habitation2 (LLUH) à la lumière du Code. Dans l'affaire Walmer Developments c. Wolch, la Cour divisionnaire a statué que [TRADUCTION] « [...] le Code constitue la loi de l'Ontario, et ses dispositions doivent guider tout décideur ontarien dans ses délibérations3 ». Cela signifie que la Commission doit tenir compte du Code et l'appliquer lorsque, par exemple, elle exerce son pouvoir de retarder une expulsion ou de rejeter une requête à cet effet, et détermine si le locateur a pris des mesures d'adaptation à l'égard du locataire jusqu'à la limite du préjudice injustifié. Le Code peut également s'appliquer à certaines demandes déposées par des locataires contre des locateurs.

Selon le paragraphe 47(2) du Code, celui-ci prévaut sur toute autre loi provinciale, y compris la LLUH. Cette mention est compatible avec le paragraphe 3(4) de la LLUH énonçant que si une disposition de la LLUH est incompatible avec une disposition de toute loi autre que le Code, la disposition de la LLUH s'applique. La Cour suprême du Canada a confirmé le fait que, si une disposition d'une loi est incompatible avec le Code, un tribunal administratif comme la Commission a le pouvoir de décider qu'elle n'est pas applicable4.

La présente ligne directrice traite les types suivants de questions relatives au Code pouvant être soulevées au cours d'instances de la Commission :

  1. Mesures d'adaptation en vertu du Code des droits de la personne aux instances de la Commission.
  2. Questions relevant du Code des droits de la personne soulevées par un locataire au cours d'une instance d'expulsion devant la Commission.
  3. Questions relevant du Code des droits de la personne soulevées par un locataire au cours de son instance devant la Commission.
  4. Conflits entre le Code des droits de la personne et la LLUH soulevés au cours d'une instance devant la Commission.

Questions relatives au Code que la Commission n'examine pas

La Commission ne peut examiner certaines questions relatives au Code parce que la LLUH ne s'applique pas à la situation. Par exemple, si une personne affirme que pour un motif de discrimination prévu au Code, un locateur a refusé de lui fournir un logement locatif, elle devrait contacter le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario. Les questions de ce genre ne relèvent pas de la compétence de la Commission, sauf si la personne a payé une avance de loyer et que le locateur ne lui donne pas la libre possession du logement locatif ou ne lui rend pas l'avance de loyer, conformément à l'article 107 de la LLUH.

1. Mesures d'adaptation en vertu du Code des droits de la personne aux instances de la Commission

En application de l'article premier du Code, la Commission est tenue de prendre des mesures d'adaptation pour répondre aux besoins des personnes qui ont recours à ses services. L'article premier prévoit que toute personne a droit à un traitement égal en matière de services, sans discrimination fondée sur la race, l'ascendance, le lieu d'origine, la couleur, l'origine ethnique, la citoyenneté, la croyance (religion), le sexe (y compris la grossesse, l'identité de genre), l'orientation sexuelle, l'âge, l'état matrimonial, l'état familial ou un handicap. Au sens du paragraphe 10(1) du Code, un handicap englobe les incapacités physique et mentale.

L'article 183 de la LLUH prévoit que pour trancher des questions soulevées dans une instance, la Commission doit adopter la méthode la plus rapide permettant d'offrir à toutes les personnes directement concernées une occasion suffisante de connaître les questions en litige et d'être entendues dans l'affaire. Même si les instances et les services de la Commission sont conçus de façon à être accessibles au plus grand nombre de personnes possible, pour donner à certaines personnes visées par l'article premier du Code une occasion suffisante de connaître les questions en litige et d'être entendues dans l'affaire, la Commission devra peut-être prendre des mesures d'adaptation additionnelles.

  1. Mesures d'adaptation à la demande d'une partie

    Les parties qui demandent des mesures d'adaptation doivent faire connaître leurs besoins à la Commission le plus tôt possible, et de préférence par écrit, afin que les dispositions nécessaires puissent être prises.

    La partie en cause doit participer au processus d'adaptation en collaborant avec la Commission afin que des mesures appropriées puissent être mises en place. La mise en place des mesures d'adaptation doit respecter la dignité de la partie et lui permettre de participer au processus de la Commission. On trouvera d'autres précisions sur la politique de la Commission en ce qui concerne les mesures d'adaptation, et sur la procédure à suivre pour en faire la demande, dans la Politique sur l'accessibilité et les droits de la personne de la Commission.

    Dans de nombreux cas, il est possible de répondre aux besoins des parties visées par l'article premier du Code en apportant des modifications relativement mineures aux normes procédurales des audiences de la Commission. Par exemple, une partie, un témoin ou un représentant :

    Le jour de l'audience, si une partie estime ne pas avoir l'occasion suffisante de participer à l'affaire et réclame des mesures d'adaptation, elle doit, le plus tôt possible lors de l'audience, porter ses préoccupations à l'attention du président. Selon les circonstances, le membre peut demander à la partie de fournir une preuve suffisante pour établir qu'elle est visée par l'article premier du Code et requiert des mesures d'adaptation. Le membre doit respecter le droit à la vie privée de la partie, et ne doit pas exiger qu'elle révèle des faits qui ne sont pas nécessaires pour trancher la question des mesures d'adaptation.

    Si la partie qui réclame des mesures d'adaptation révèle des renseignements personnels à caractère intime, le membre peut envisager une audience à huis clos en vertu de l'article 7.7 des règles de pratique de la Commission, et de l'article 9 de la Loi sur l'exercice des compétences légales. Cependant, les autres parties visées par la demande ont le droit de demeurer dans la salle d'audience, d'examiner tous les éléments de preuve présentés à la Commission, de procéder à des contre-interrogatoires et de formuler des observations sur la question des mesures d'adaptation uniquement en ce qui touche la procédure d'audience devant la Commission.

    Le membre détermine au cas par cas, la nature et la portée de toute mesure d'adaptation après avoir examiné les éléments de preuve et écouté les observations de toutes les parties. Cependant, même si une partie s'y oppose, le membre est tenu d'accorder la mesure d'adaptation demandée nécessaire à la participation d'une partie à l'audience.

    S'il n'est pas possible de prendre des mesures d'adaptation suffisantes pour que la partie puisse participer à l'audience, le membre accordera généralement un ajournement et se concertera avec le personnel de la Commission pour veiller à ce que les mesures nécessaires soient en place pour la prochaine date d'audience.

  2. Questions d'adaptation soulevées au cours d'une audience
  3. Les membres doivent demeurer attentifs aux indications qui suggèrent qu'une partie peut avoir besoin de mesures d'adaptation pour participer à l'audience, même si la partie ne fait aucune demande à la Commission. En vertu de l'article 201 de la LLUH, le membre peut poser des questions de sa propre initiative et demander des observations de la part des deux parties pour décider si la partie a besoin de mesures d'adaptation. Comme il a été mentionné, le membre peut envisager différentes méthodes d'adaptation pour garantir une audience équitable où l'occasion de participer est offerte à toutes les parties.

  4. Remise en question de la capacité d'une partie
  5. Les membres doivent également demeurer attentifs aux indications qui suggèrent qu'une partie n'est peut-être pas en mesure de participer à une audience en raison d'une incapacité mentale, même si la partie ne porte pas cette question à l'attention de la Commission. Selon l'article 201 de la LLUH, il peut être nécessaire pour le membre de poser des questions et de demander les observations des deux parties afin de décider si la partie en question comprend la nature ou l'objet de l'audience, en saisit les conséquences possibles, et peut communiquer avec son représentant juridique, si elle en a un.

    Dans les cas où une partie n'a pas la capacité nécessaire et n'est pas représentée à l'audience, le membre peut envisager différentes méthodes d'adaptation pour garantir une audience équitable et offrir à toutes les parties une occasion d'y participer, même en l'absence de toute demande d'adaptation. Il peut notamment suspendre une audience pour permettre à un locataire de consulter en ligne un conseiller juridique des locataires, le cas échéant, ou ajourner l'audience pour permettre à la partie d'obtenir l'aide d'un membre de la famille, d'un travailleur social ou d'une autre personne de son choix.

    En vertu du droit ontarien, tout adulte est présumé jouir de ses capacités à moins d'avoir été jugé incapable par un évaluateur nommé en vertu de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d'autrui5 (la LPDNA). Une telle évaluation peut avoir pour effet la désignation de quelqu'un d'autre pour veiller sur les intérêts de cette personne. La Commission n'a pas le pouvoir de conclure qu'une partie à l'une de ses instances ne jouit pas de la capacité nécessaire au sens de la LPDNA, ni d'ordonner qu'une autre personne représente cette partie à l'une de ses audiences.

    Il ne faut pas présumer qu'une personne incapable de faire une chose est incapable de faire quoi que ce soit. Une personne incapable de prendre des décisions relatives à un traitement, ou une personne incapable de gérer son argent de sorte qu'un tuteur a été désigné, peut tout de même être capable de participer à une audience et de donner des instructions à son représentant juridique. L'incapacité peut ne porter que sur certains aspects précis.

  6. La conduite au cours d'une audience de la Commission
  7. Les membres ont l'obligation de veiller à ce que toutes les audiences soient menées de manière respectueuse envers tous les participants. Les membres doivent aussi assurer le contrôle des procédures et veiller à ce que la conduite d'une partie, d'un témoin, d'un spectateur ou d'un représentant ne porte pas atteinte au droit d'une autre personne à un traitement égal en matière de services, en vertu du Code. Par exemple, un membre ne permettra pas à un participant à l'audience de faire des commentaires dérogatoires au sujet de la race, de la religion ou de l'orientation sexuelle d'une partie.

2. Questions relevant du Code des droits de la personne soulevées par un locataire au cours d'une instance d'expulsion devant la Commission

Toute question liée à un motif énoncé au paragraphe 2(1) du Code peut être soulevée au cours des audiences de la Commission. Le paragraphe 2(1) du Code prévoit que toute personne a droit à un traitement égal en matière de logement, sans discrimination fondée sur la race, l'ascendance, le lieu d'origine, la couleur, l'origine ethnique, la citoyenneté, la croyance (religion), le sexe (y compris la grossesse, l'identité de genre), l'orientation sexuelle, l'âge, l'état matrimonial, l'état familial, l'état d'assisté social ou un handicap. Au sens du paragraphe 10(1), « handicap » englobe les incapacités physiques et mentales.

Le plus souvent, les questions relatives au Code sont soulevées lorsqu'un locateur dépose une requête en expulsion d'un locataire en raison de la conduite du locataire, et que celuici invoque au moins un des arguments suivants :

Après avoir entendu toutes les parties, le membre doit d'abord décider si le locateur a démontré que le locataire a commis les actes reprochés. Si le locateur ne s'est pas acquitté de ce fardeau de preuve, la requête est rejetée. Si le locateur s'acquitte du fardeau de preuve, le membre examinera ensuite les prétentions du locataire voulant que le locateur n'a pas rempli ses obligations prévues par le Code, en tenant compte des critères suivants :

  1. Le locataire est-il protégé par le paragraphe 2(1) du Code
  2. Le locataire doit fournir suffisamment de renseignements pour démontrer qu'il appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code, comme le handicap. Il est parfois facile au locataire de démontrer ce fait parce que le handicap n'est pas contesté. Dans d'autres cas, le locataire devra peut-être présenter des preuves, telles qu'une lettre d'un médecin ou d'autres formulaires médicaux, pour démontrer qu'il vit avec un handicap au sens du Code.

    Le membre doit respecter le droit à la vie privée du locataire, et ne doit pas lui demander de révéler des faits qui ne sont pas nécessaires pour trancher la question. Par exemple, si on a présenté au membre une preuve médicale suffisante quant aux conséquences du handicap, la partie qui en est atteinte peut être dispensée de révéler son diagnostic précis. Si le locataire révèle des renseignements personnels à caractère intime, le membre peut envisager une audience à huis clos en vertu de l'article 7.6 des règles de pratique de la Commission, et de l'article 9 de la Loi sur l'exercice des compétences légales. Cependant, les autres parties visées par la requête ont le droit de demeurer dans la salle d'audience, d'examiner tous les éléments de preuve présentés à la Commission, et de faire des observations.

  3. Le locataire a-t-il été victime de discrimination contrairement aux dispositions prévues par le Code
  4. Si le membre considère que le locataire appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code, le locataire doit ensuite démontrer que le locateur a fait preuve de discrimination à son égard. Dans certains cas, la discrimination peut apparaître clairement. Par exemple, le locateur cherche à obtenir l'expulsion du locataire pour la seule raison que celui-ci pratique une religion donnée. Dans d'autres cas, la discrimination peut être exercée de façon indirecte, comme une règle ou une norme appliquée par le locateur qui peut paraître neutre, mais qui constitue une discrimination envers le locataire parce que celui-ci appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code. Par exemple, si le locateur exige que tous les locataires retirent leurs effets personnels des armoires et des tiroirs pour lui permettre de procéder à la fumigation de tous les logements, cette mesure peut constituer une discrimination envers des locataires qui ne sont pas capables d'accomplir ces tâches à cause d'un handicap physique. Si le locateur cherche à obtenir l'expulsion d'un locataire handicapé pour défaut de se conformer à cette exigence, le membre tiendra compte d'une telle discrimination en appliquant le Code.

    Dans la décision Connelly c. Mary Lambert Swale Non-Profit Homes6, la Cour divisionnaire semble avoir indiqué que dans les cas où la requête en expulsion du locateur est fondée sur la conduite du locataire, le membre doit également examiner si la conduite découle directement du handicap du locataire.

    Si les motifs d'expulsion contenus dans la requête du locateur ne sont pas liés à l'appartenance du locataire à au moins une des catégories prévues au paragraphe 2(1) du Code, le membre ne peut conclure que le locataire a été victime de discrimination de la part du locateur. Par exemple, si le locateur a déposé une requête en résiliation de la location pour arriérés de loyer, la déficience auditive du locataire ne constitue vraisemblablement pas un élément pertinent pour le membre qui examine le bien-fondé de la requête. Cependant, même si le membre conclut que la requête du locateur n'est pas liée à l'appartenance du locataire à au moins une des catégories prévues au paragraphe 2(1) du Code, il peut toujours tenir compte de toutes les circonstances entourant la situation du locataire lorsqu'il envisage le rejet d'une requête en expulsion en vertu de l'article 83 de la LLUH. Ces deux scénarios sont abordés ci-dessous.

  5. Le locateur a-t-il pris des mesures d'adaptation à l'égard du locataire jusqu'à la limite du préjudice injustifié

    Dès que le membre conclut que le locataire appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(10 du Code et qu'il a été victime de discrimination de la part du locateur, il incombe alors au locateur de démontrer qu'il a pris à l'égard du locataire des mesures d'adaptation, jusqu'à la limite du préjudice injustifié.

    L'article 11 du Code stipule qu'il y a atteinte à un droit protégé par le Code lorsqu'une personne visée par un des motifs prévus au Code est exclue par des règles ou exigences neutres qui ne sont pas « raisonnable[s] et de bonne foi dans les circonstances ». En application du paragraphe 11(2) du Code, pour prendre cette décision, il faut vérifier si les besoins du groupe dont le locataire est membre peuvent être satisfaits sans imposer un préjudice injustifié au locateur. En d'autres termes, l'article 11 permet au locateur de prouver que l'exigence, la qualité requise ou le critère qu'il applique est « établi de façon raisonnable et de bonne foi », en démontrant qu'il n'est pas possible de tenir compte des besoins du groupe dont le locataire est membre sans subir lui-même un préjudice injustifié.

    Le paragraphe 17(1) du Code contient une disposition similaire qui s'applique expressément au handicap. Le paragraphe 17(1) stipule qu'il n'y a pas atteinte à un droit si la personne est incapable, à cause d'un handicap, de s'acquitter des obligations ou de satisfaire aux exigences essentielles inhérentes à l'exercice de ce droit. En d'autres termes, on n'enfreint pas le Code si le locataire est incapable, à cause d'un handicap, [TRADUCTION] « [...] d'agir comme on peut raisonnablement s'y attendre d'un locataire7 ». Cependant, en vertu du paragraphe 17(2) du Code, cette défense n'est pas offerte au locateur à moins qu'il soit en mesure d'établir qu'il ne peut pas tenir compte des besoins du locataire sans subir lui-même un préjudice injustifié.

    Dans l'affaire Walmer Developments c. Wolch8, la Cour divisionnaire a statué que les limitations aux droits d'une personne handicapée doivent être interprétées de façon restrictive, selon les objectifs de la LLUH, et que l'exigence de tenir compte des besoins de la personne constitue la pierre angulaire du Code.

    Pour déterminer si le locateur a rempli son obligation de tenir compte des besoins du locataire en vertu du paragraphe 11(2) ou 17(2) du Code, le membre doit examiner les critères suivants :

    1. Connaissance par le locateur de la situation du locataire
    2. Le membre doit déterminer si le locateur savait, avant de déposer une requête en expulsion, que le locataire appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code, comme le handicap. L'obligation de prendre des mesures d'adaptation n'existe que pour les besoins dont le locateur a connaissance9. Cela ne signifie toutefois pas qu'un locataire handicapé est obligé de fournir au locateur tous les détails concernant sa condition médicale et ses antécédents médicaux. Dans la décision Eagleson Co-Operative Homes, Inc. c. Théberge10, le tribunal a conclu que le locateur avait reçu du médecin de la résidente un avis médical non contredit indiquant que, pour des raisons médicales, celle-ci était incapable de participer à tout travail bénévole, et qu'on enfreignait le Code en exigeant qu'une personne atteinte d'incapacité mentale divulgue des renseignements médicaux personnels comme condition pour conserver son logement.

      Même si le locataire ne divulgue pas le handicap au locateur, celui-ci ne peut faire preuve d'aveuglement volontaire. Si un handicap est visible, le locateur sera réputé en avoir une connaissance imputée et, par conséquent, il devrait avoir tenté de résoudre la question avec le locataire avant de prendre des mesures pour obtenir son expulsion.

    3. Rôle du locataire dans le processus d'adaptation
    4. S'il désire qu'on prenne des mesures d'adaptation en vertu du Code, le locataire doit fournir au locateur assez de renseignements sur ses besoins pour permettre à ce dernier de choisir une mesure d'adaptation possible. Le locataire est également tenu de coopérer avec le locateur à l'élaboration et à la mise en place des mesures d'adaptation. Si le locataire refuse de coopérer, le locateur peut affirmer avoir rempli son obligation de prendre des mesures d'adaptation.

    5. Le locateur a-t-il élaboré et mis en place un plan d'adaptation approprié
    6. Le locateur sera tenu de fournir des preuves des démarches qu'il a entreprises pour régler le problème, s'il en est, avant de présenter sa requête en expulsion à la Commission.

      Pour élaborer des mesures d'adaptation à l'égard du locataire, le locateur doit tenir compte de trois principes directeurs établis par la Commission ontarienne des droits de la personne :

      1. les mesures d'adaptation doivent être prises dans le respect de la dignité;
      2. les mesures d'adaptation doivent être individualisées de façon à répondre aux besoins de la personne concernée;
      3. les mesures d'adaptation doivent assurer l'intégration et la pleine participation des personnes protégées en vertu du Code.

      Si le locateur ne peut fournir immédiatement le type idéal de mesures d'adaptation, il doit alors mettre en place d'autres solutions, comme des mesures d'adaptation progressives, provisoires ou de rechange.

    7. La mesure d'adaptation causera-t-elle un préjudice injustifié
    8. Un locateur doit prendre des mesures d'adaptation à l'égard du locataire, jusqu'au point où toute mesure additionnelle causerait un préjudice injustifié. Cette question a été examinée par les tribunaux dans plusieurs décisions.

      Dans la décision Walmer Developments c. Wolch11, le Tribunal du logement de l'Ontario (maintenant la Commission) a conclu que la locataire avait entravé la jouissance raisonnable du locateur et des autres locataires, en adoptant certains comportements, par exemple crier très fort et faire en sorte que des aliments prennent feu sur sa cuisinière. La Cour divisionnaire a conclu que le Tribunal avait erré en ordonnant l'expulsion de la locataire, parce que le membre avait omis de tenir compte de son handicap en application du Code. Au paragraphe 35, la Cour affirmait que le Tribunal [TRADUCTION] « [...] doit examiner si une perte de jouissance des autres locataires peut être suffisamment atténuée par une mesure raisonnable d'adaptation à l'égard de la locataire handicapée sans causer un préjudice injustifié au locateur. » La Cour a rejeté l'argument selon lequel en raison de son handicap, la locataire ne pouvait se conformer à des attentes raisonnables voulant qu'une locataire ne dérange pas ses voisins et a conclu qu'une mesure d'adaptation serait appropriée en l'espèce. La Cour a ordonné aux parties de conclure une entente selon laquelle au premier signe de difficulté, le locateur aviserait les proches parents de la locataire pour qu'ils interviennent.

      Dans la décision Canadian Mental Health Association c. Warren12, le Tribunal a conclu que la locataire avait causé des troubles au sein du complexe résidentiel en criant, en hurlant, en claquant des portes, en tenant un langage injurieux et menaçant envers les autres locataires, en déclenchant les détecteurs de fumée, en jetant constamment ses ordures par sa fenêtre du deuxième étage, et en maintenant son logement dans un tel état de désordre qu'il constituait un véritable danger d'incendie. Le membre a constaté que la locataire était handicapée au sens du Code. Le membre a reconnu le fait que les tentatives d'adaptation du locateur englobaient la négociation et la conclusion d'ententes permettant à la locataire d'éviter l'expulsion, la participation à une « équipe de transition » formée pour aider la locataire à résoudre ses problèmes, l'assignation de travailleurs sociaux pour répondre aux besoins de la locataire, et l'installation de détecteurs de fumée moins sensibles. Le membre a conclu que les mesures d'adaptation du locateur répondaient aux exigences de l'article 17 du Code et qu'elles atteignaient maintenant la limite du préjudice injustifié. La Cour divisionnaire a maintenu la décision du Tribunal, en concluant que [TRADUCTION] « selon les faits dont le Tribunal est saisi, il y a une preuve écrasante de mesures d'adaptation jusqu'à la limite du préjudice injustifié ».

      Dans la décision McKenzie c. Supportive Housing in Peel13, le Tribunal a conclu que la locataire avait gravement compromis la sécurité du surintendant en le blessant à coups de stylo. Le surintendant avait eu besoin de soins médicaux et la locataire avait été reconnue coupable de voies de fait. La locataire, de son propre aveu, était handicapée au sens du Code. Le membre a conclu que le locateur avait fait tout ce qui était possible pour tenter de prendre des mesures d'adaptation à l'égard de la locataire jusqu'à la limite du préjudice injustifié, mais que la locataire les avait refusées. En maintenant la décision du Tribunal, la Cour divisionnaire a cité, en l'approuvant, le passage suivant de la décision du Tribunal du logement de l'Ontario :

      [TRADUCTION]
      ... Par conséquent, je conclus que le locateur a fait tout ce qui était possible pour tenter de prendre des mesures d'adaptation à l'égard de la locataire jusqu'à subir un préjudice injustifié, et qu'il a ainsi rempli ses obligations prévues au Code des droits de la personne de l'Ontario. En outre, à la lumière des préoccupations relatives à la sécurité soulevées par la conduite de la locataire, le fait d'autoriser celle-ci à demeurer dans le logement constituerait un préjudice injustifié à l'endroit du surintendant de l'immeuble.

      Dans la décision Connelly c. Mary Lambert Swale Non-Profit Homes14, le Tribunal a conclu que le locataire avait une dépendance aux drogues et qu'il exploitait une fumerie de crack dans le complexe. La Cour divisionnaire a conclu qu'il faut considérer la dépendance du locataire comme un handicap, mais elle a maintenu l'ordonnance en expulsion du locataire rendue par le Tribunal. La Cour a statué ce qui suit :

      [TRADUCTION]
      [10] Selon les conclusions du Tribunal, il n'existe aucune mesure d'adaptation possible. L'appelant a nié avoir fait le trafic de stupéfiants dans son appartement. Il a nié le fait que sa conduite avait créé des difficultés tant à l'intimé qu'à ses locataires.

      [11] Le Tribunal a conclu que l'exploitation d'une fumerie de crack par l'appelant a radicalement porté atteinte aux droits des autres locataires.

      [12] Nous rejetons toute suggestion voulant que l'intimé ait une obligation de permettre au locataire d'exploiter une fumerie de crack à titre de mesure d'adaptation pour son handicap. Nous concluons qu'en portant radicalement atteinte aux droits des autres locataires, une telle tentative d'adaptation constituerait un préjudice injustifié à l'égard de l'intimé.

      Le paragraphe 17(2) du Code prescrit également trois éléments d'appréciation pour évaluer si une mesure d'adaptation causerait un préjudice injustifié. Ce sont :

      1. le coût
      2. les sources extérieures de financement, s'il en est
      3. les exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

      Si des questions concernant le coût, les sources extérieures de financement et les exigences en matière de santé et de sécurité sont pertinentes dans le cadre de la procédure, et que locateur prétend qu'une mesure d'adaptation quelconque ou supplémentaire lui causerait un préjudice injustifié, il lui incombe de fournir des éléments de preuve concernant ces trois éléments d'appréciation.

      Constitueront un préjudice injustifié les coûts quantifiables, s'il est établi qu'ils sont liés aux mesures d'adaptation et sont si importants qu'ils modifieraient la véritable nature de l'entreprise ou nuiraient gravement à sa viabilité.

      Pour obtenir plus de renseignements sur le préjudice injustifié, consulter le document intitulé Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement sous l'onglet « Politiques » du site web de la Commission ontarienne des droits de la personne, à l'adresse www.ohrc.on.ca/fr.

    9. Rejet d'une requête en expulsion
    10. Dans la décision Walmer Developments c. Wolch15, la Cour divisionnaire a conclu que le Tribunal du logement de l'Ontario (maintenant la Commission) doit tenir compte du Code et l'appliquer dans l'exercice de son pouvoir de rejeter une requête en expulsion. Conformément à l'article 83 de la LLUH, un membre envisage un tel redressement. L'article 83 prévoit que le membre doit tenir compte de toutes les circonstances pour déterminer s'il serait inéquitable de rejeter la requête en expulsion du locateur, ou d'ordonner un sursis d'exécution à cet égard.

      Si le membre constate que le locateur a omis de prendre des mesures d'adaptation jusqu'à la limite du préjudice injustifié à l'égard d'un locataire qui appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code, le membre doit envisager de rejeter la requête en expulsion conformément à l'alinéa 83(1)a) de la LLUH. Cependant, même si un tel redressement est accordé, le membre doit quand même examiner s'il est nécessaire d'ordonner d'autres types de conditions et d'exigences pour régler la conduite litigieuse ou le problème. Le pouvoir de rendre de telles ordonnances découle du paragraphe 204(1) de la LLUH.

      Dans certains cas, pour rejeter une requête en expulsion, un membre peut conclure à l'absence de motifs fondés sur le Code. Par exemple, le membre peut conclure que la raison qui motive la requête du locateur n'est pas liée au fait que le locataire appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code, ou que le locateur a rempli son obligation de prendre des mesures d'adaptation à l'égard du locataire jusqu'à la limite du préjudice injustifié. Cependant, dans ces circonstances et en vertu du paragraphe 83 de la LLUH, le membre doit quand même envisager la possibilité de rejeter la requête en expulsion, compte tenu de l'ensemble de la situation des parties. Il pourrait, par exemple, n'y avoir aucun lien entre la requête du locateur pour le paiement de l'arriéré de loyer et le fait que le locataire utilise un fauteuil roulant. Cependant, le membre pourrait tenir compte de la difficulté qu'aurait le locataire à trouver un autre logement offrant l'accès aux fauteuils roulants et, par conséquent, ordonner un sursis d'exécution de l'ordonnance d'expulsion en vertu de l'article 83.

3. Questions relevant du Code des droits de la personne soulevées par un locataire au cours de son instance devant la Commission

Dans une requête que présente un locataire, ce dernier peut affirmer que le locateur a contrevenu au Code. De telles prétentions peuvent se rapporter à différents articles de la LLUH et du Code.

Par exemple, un locataire peut prétendre que le locateur a omis de procéder aux modifications nécessaires pour adapter le logement locatif à son handicap physique, et qu'il a ainsi gravement entravé sa jouissance raisonnable, en contravention de l'article 22 de la LLUH. Aux fins d'examen d'un tel argument, le membre procédera de la façon décrite ci-dessus en qui concerne les questions relatives au Code soulevées en application de l'article 83 de la LLUH. Le membre doit d'abord déterminer si le locataire appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code, et s'il a été victime de discrimination par le locateur. Le membre doit ensuite déterminer si le locateur a pris des mesures d'adaptation à l'égard du locataire jusqu'à la limite du préjudice injustifié. Si la réclamation du locataire est accueillie, l'alinéa 31(1) f) de la LLUH confère au membre le pouvoir d'ordonner au locateur d'apporter au logement ou au complexe résidentiel les modifications nécessaires pour répondre aux besoins du locataire.

Dans une requête que présente un locataire, ce dernier peut aussi affirmer que le locateur l'a harcelé, gêné, contraint, menacé ou importuné, en contravention de l'article 25 de la LLUH, et que le locateur a agi de la sorte parce qu'il appartient à au moins une des catégories visées au paragraphe 2(1) du Code. Une telle conduite contrevient également au paragraphe 2(2) du Code qui stipule que les locataires ont le droit de vivre sans être harcelés par le propriétaire ou son mandataire. Le membre examinera de telles réclamations en déterminant si le locateur a contrevenu à la LLUH, et le cas échéant, quel serait le redressement approprié.

4. Conflits entre le Code des droits de la personne et la LLUH soulevés au cours d'une instance devant la Commission

Les tribunaux qui, comme la Commission, peuvent trancher des questions de droit, ont compétence pour décider si une disposition législative qui relève de leur mandat est compatible avec celles du Code. Ce qui ne signifie pas que la Commission a compétence pour conclure à l'invalidité de la disposition législative en question, comme une Cour peut le faire. Cependant, si la Commission juge qu'il y a un conflit entre une disposition législative et le Code, elle a compétence en vertu de l'article 47 du Code pour décider que la disposition ne s'applique pas à l'instance. En cas de conflit, l'article 47 du Code s'applique pour assurer sa préséance sur une disposition législative.

Par conséquent, une partie à une instance de la Commission peut prétendre qu'un article en particulier de la LLUH ne devrait pas s'appliquer, puisqu'il entre en conflit avec les dispositions du Code.



1 Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, ch. H.19, tel que modifié

2 Loi de 2006 sur la location à usage d'habitation, L.O. 2006, ch. 17

3 2003 CanLII 42163 (ON S.C.D.C.), paragr. 18

4 Tranchemontagne c. Ontario (Directeur du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), 2006 CSC 14 (CanLII)

5 Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d'autrui, L.O. 1992, ch. 30, telle que modifiée

6 2007 CanLII 52787 (ON S.C.D.C.), paragr. 8

7 Walmer Developments c. Wolch 2003 CanLII 42163 (ON S.C.D.C.), paragr. 31

8 Ibid., paragr. 34

9 Voir Bathurst-Vaughan Mall Limited c. Eini, 2009 CanLII 3550 (ON S.C.D.C.)

10 2006 CanLII 29987 (ON S.C.D.C.)

11 2003 CanLII 42163 (ON S.C.D.C.)

12 2004 CanLII 16439 (ON S.C.D.C.)

13 2006 CanLII 7838 (ON S.C.D.C.)

14 2007 CanLII 52787 (ON S.C.D.C.)

15 2003 CanLII 42163 (ON S.C.D.C.)


15 décembre 2018
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